L’Etat est appelé à écouter les jeunes et à accorder davantage d’intérêt à leurs préoccupations. Etre à leurs côtés, c’est les aider à vivre et à mieux s’épanouir. Cela ne saurait se réaliser qu’à travers une nouvelle vision constructive, basée sur l’investissement dans le capital humain et la promotion des jeunes compétences.
Le lancement, lundi dernier, depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan, du satellite tunisien « Challenge One », le premier dans le Maghreb, constitue une source de fierté pour tous les Tunisiens. C’est que l’évènement, qui avait fait la Une des médias de par le monde, a permis à la Tunisie d’avoir une place sur l’orbite. Réalisé avec succès, il a créé un large écho favorable et nourri auprès des Tunisiens l’espoir de lendemains meilleurs. Ayant suivi ce coup d’envoi, avec un intérêt tout particulier, le Chef de l’Etat, Kaïs Saïed, s’est montré déterminé à prendre soin de nos jeunes compétences et a fait valoir leur parcours créatif. Mais rien ne naît de rien.
Miser sur le savoir et l’intelligence exige bel et bien une volonté politique et des moyens nécessaires à l’invention et à l’innovation. Il est vrai que depuis bien longtemps, l’accent a été mis sur la multiplication des clubs « Jeunes sciences » et leur généralisation dans plusieurs régions. Puis, leur intégration dans le milieu scolaire et au sein des structures des jeunes, ce qui en a fait un vivier de formation et d’excellence. De l’automatisme à la robotique, le génie tunisien a bien marqué des points. Ce statut d’excellence fut ainsi rehaussé, au fil du temps, par un cursus universitaire en ingénierie internationalement reconnu. Mais, cela ne semble guère suffisant, étant donné que ces compétences n’ont jamais été assez récompensées. Rêves et ambitions sont sacrifiés sur l’autel de la politique. Cette arène où échauffourées et tiraillements partisans l’emportent sur le débat d’idées, le vrai débat qui puisse mener à bon port. Dix ans déjà, nul n’a fait bouger les lignes. Aux yeux des jeunes, rien n’a changé, à bien des égards. Désœuvrés, livrés à eux-mêmes, ils n’ont pas trouvé leur compte. Dans les campagnes électorales, leur représentativité au Parlement ou dans les postes de décision était, tout bonnement, un slogan creux. Leur insertion dans la vie active n’a été, non plus, qu’une promesse de feu de paille.
Paroles en l’air
Les jours se suivirent, sans qu’un gouvernement ne tienne parole. Des études faites par la société civile ont montré que 80% des jeunes n’ont plus confiance dans leur Etat. Pour certains, aucune chance de rattraper les temps perdus. D’autres ne voient plus le bout du tunnel. Tout pousse à la déception. Le constat est là : chômage prolongé, emplois précaires, fuite des cerveaux. Jusque-là, les nouveaux flux de migrations médicales se comptent par centaines. Idem, des milliers d’ingénieurs ont, depuis un certain temps, quitté le pays. Nombre parmi eux, si talentueux soient-ils, ont contribué à la construction et au lancement du « Challenge One », le satellite tunisien fait maison. « Nos jeunes ne sont pas moins créatifs que les autres », témoignaient, par la même occasion, des hauts commis de l’Etat et dirigeants politiques. En réalité, ce sont des paroles en l’air qui ne vont pas être suivies d’actes. Souvenons-nous, encore, des rendez-vous et évènements majeurs, tenus en grande pompe, pour recoller les morceaux, en l’occurrence le fameux dialogue avec les jeunes en 2016 et le Congrès national de l’emploi auquel avait pris part l’ex-secrétaire général de l’ONU, Ban Ki- Moon. On avait, à l’époque, l’objectif de reconquérir la confiance des jeunes et les concilier avec leur environnement politique et socioéconomique. Mais, aucune recommandation ou mesure prise en faveur de la jeunesse n’ont été suivies d’effet. Revers de la médaille !
L’impératif d’une nouvelle vision
Par conséquent, les jeunes diplômés chômeurs continuent à investir l’espace public, réclamant droit à l’emploi et au développement. La manifestation des chercheurs doctorants étant un exemple édifiant. Comment les convaincre que le pays veille sur l’avenir de ses enfants ? Qu’est-ce qu’on attend de ceux qui ne trouvent pas de place dans la société ? Que faire pour remettre les pendules à l’heure ? L’Etat doit, sans tarder, écouter ses jeunes et accorder davantage d’intérêt à leurs préoccupations. Etre à leur côté, c’est les aider à vivre et à mieux s’épanouir. Cela ne saurait se réaliser qu’à travers une nouvelle vision constructive, basée sur l’investissement dans le capital humain et la promotion des jeunes compétences. Jeune d’aujourd’hui, homme de demain, dit-on. Du reste, nos jeunes ont besoin d’un vrai homme d’Etat.